Dans le cadre d'un article dédié à l'entreprenariat qui paraîtra dans le prochain Praxis, le service communication a rencontré Thomas Rogaume, Vice-président délégué à la Recherche, innovation et partenariats économiques à l'Université de Poitiers.
Thomas Rogaume, dans les locaux de l’institut Pprime.

Bonjour Thomas Rogaume. En tant que Vice-président délégué à la Recherche, innovation et partenariats économiques, pouvez-vous nous parler de l’entreprenariat à l’université de Poitiers ?

Thomas Rogaume : Deux éléments sont essentiels. Le premier, c’est le volet « Innovation », qui est devenu la 3e mission des universités (même si notre ministère a perdu récemment le « i » de « innovation » dans le titre). On constate une réelle impulsion pour faire des universités un élément essentiel de la chaîne de l’innovation puisque, par nos travaux de recherche, nous avons un grand nombre de connaissances qui sont transférables vers le monde socio-économique. Le souhait, à l’échelle de l’université de Poitiers et via la mise en place d’une vice-présidence en charge de l’innovation, est donc d’accélérer cette culture de l’innovation, d’accélérer le transfert vers la société au sens large.

Le deuxième volet est spécifique à l’étudiant. Ce volet part d’un constat, corroboré par de nombreux rapports : un étudiant formé à l’entreprenariat va avoir une insertion professionnelle et/ou une progression de carrière beaucoup plus rapide.

Ces deux éléments pris en compte nous amènent donc à mettre en place des actions en faveur de l’entreprenariat, et à les inscrire dans notre stratégie. Sur l’innovation, nous cherchons à acculturer l’écosystème des enseignants-chercheurs et doctorants de l’université de Poitiers à la propriété intellectuelle, au dépôt de brevet, au transfert de connaissances et à la création d’entreprise. Cela fait partie intégrante des missions de l’enseignant-chercheur et doit être reconnu au même stade qu’une publication.

Pour cela, nous avons créé l’expérimentation post SATT Agence Aliénor Transfert, en lien avec nos partenaires essentiels qui sont le CNRS, l’ISAE-ENSA, l’université de Limoges, l’AVRUL (qui est l’association pour la valorisation de la recherche universitaire en Limousin), et la Technopole de Grand Poitiers.

L’Aliénor Transfert, repose sur deux business units, une à Limoges et une à Poitiers, qui fédère les personnels du Service Partenariat et Valorisation de la Recherche (déjà existant depuis 25 ans) et de la Technopole Grand Poitiers. De plus en plus, l’université de Poitiers apporte des moyens et des ressources à sa business unit pour dynamiser la culture de l’innovation / entrepreneuriat et pour accompagner nos porteurs de projets dans leurs projets innovants, la valorisation de la propriété intellectuelle ou dans la création d’entreprise (si elle est souhaitée). D’ailleurs, nos personnels créateurs d’entreprise bénéficient de dispositifs pour les guider assez uniques en France, avec notamment la possibilité d’avoir une décharge ou aménagement d’emploi du temps pour se consacrer à leur activité.

 

Le premier volet est donc consacré au personnel. Pouvez-vous nous parler un peu plus du second, dédié à l’entreprenariat étudiant ?

TR : Pour le second volet, nous sommes dans le cadre d’un réseau « Pépite » (Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat, ndlr). C’est un label national créé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le nôtre s’intitule « Pépite Nord-Aquitain », il regroupe ISAE-ENSMA (l’école d’ingénieurs), l’université de Limoges et l’université de Poitiers. À Poitiers, c’est le SAFIRE (Service d’accompagnement à la formation, l’insertion, la réussite et l’engagement) qui gère ce Pépite, à travers lequel nous formons à l’entrepreneuriat. Puis, lorsque des étudiants sont porteurs de projet, nous les accompagnons avec un coaching particulier.

Chaque étudiante et étudiant peut ainsi bénéficier du statut national d’étudiant entrepreneur. Pour cela, il passe devant un jury pour pitcher son projet, puis, suivant ses besoins, il peut s’inscrire au Diplôme Étudiant Entrepreneur. Ils ont ensuite accès à des cours en ligne, des ateliers de mise en situation, un coaching personnel ou encore à des sessions d’échange avec d’autres entrepreneurs et interlocuteurs de cet écosystème. C’est vraiment une spécificité à Poitiers : on a beaucoup de partenaires, de clusters, de pôles de compétitivité, chambre de commerce et d’industrie, de syndicats, etc. que nous sollicitons pour accompagner nos étudiants entrepreneurs. Autant de ressources pour nos étudiants, à eux d’en profiter !

Pour conclure sur ce volet, j’insisterai sur un point : l’étudiant peut être simplement intéressé, ou il peut avoir un projet d’entreprenariat qui n’ait rien d’innovant. Il peut encore avoir un projet de repreneuriat. Dans tous ces cas de figure, il faut savoir qu’il est le bienvenu au sein du Pépite ! C’est un réseau qui s’adresse à l’ensemble des étudiants, et dans toute leur spécificité.  Nous souhaitons vraiment que cela percole au niveau des 14 composantes de l’université de Poitiers, et pour cela nous mettons en place des référents orientation-insertion entrepreneuriale dans ces composantes. Un objectif serait aussi d’avoir des unités d’enseignement dans les maquettes pédagogiques des formations, qui puissent aborder ces thématiques.

 

Vous êtes en charge de deux services, l’un gérant l’entreprenariat côté personnel, l’autre côté étudiant. Est-ce que les deux ont des objectifs transversaux, se rejoignent sur certains points ?

TR : Le Vice-président que je suis fait en sorte que les deux équipes communiquent entre elles. À partir du moment où dans Pépite on a un étudiant qui se lance dans un projet innovant, on va l’orienter vers l’Agence Aliénor Transfert. Inversement, si dans un laboratoire un projet est monté à l’initiative d’un master ou d’un doctorant, on va l’orienter vers Pépite (parce que le statut national Étudiant Entrepreneur va le placer dans de meilleures conditions). Par ailleurs, la partie doctorat est un axe majeur de nos travaux actuels. Pour être tout à fait franc, nous avons actuellement peu de doctorants qui sont entrepreneurs, comme en attestent nos chiffres qui sont en dessous de la moyenne nationale. Cela peut s’expliquer aussi par des étudiants qui montent des projets de leur côté, alors que Pépite aurait pu leur offrir de meilleures garanties.  Il est donc de notre ressort de mieux sensibiliser, mieux communiquer et mieux accompagner nos doctorants.

 

Justement, comment informez-vous sur cette démarche d’accompagnement que l’université propose ? Et lorsque les initiatives d’entreprenariat aboutissent, comment les valorisez-vous ?

TR : L’une de nos feuilles de route concerne la mise en place de rencontres dans nos laboratoires. Nous avons pu dresser ce constat : il faut être au plus proche des chercheurs pour les informer. Nous avons – par le passé – organisé de grands évènements autour de la question de l’entreprenariat qui n’ont pas su trouver leur public. L’idée est donc d’organiser des choses plus ciblées, avec des rencontres thématisées. Nous informons sur ces évènements via des communiqués, des newsletters. Des personnels vont également dans les laboratoires pour faire de la communication au plus près des groupes de chercheurs, leur faire part de nos appels à projets. C’est ce type d’actions ciblées qui nous permet d’identifier des porteurs de projets ou de faire en sorte que ceux-ci se déclarent.

La valorisation de ces initiatives va se situer essentiellement dans l’accompagnement. Les chargés de mission d’Aliénor Transfert vont aider les chercheurs à rédiger un dossier de présentation, à le budgétiser, à lui donner une dimension supplémentaire. C’est un travail en binôme de valorisation du projet, qui permettra ensuite de passer devant le comité de pilotage ainsi que le Conseil stratégique de l’Agence Aliénor Transfert dans lesquels on retrouve l’ensemble des parties prenantes : l’université de Poitiers, l’ISAE-ENSMA, le CNRS, l’université de Limoges, les financeurs (représentants du ministère ou de la Région), etc. Suivant la délibération, même si le projet n’est pas validé (car sa viabilité économique ou intellectuelle serait remise en cause), nous allons tout de même retravailler le dossier, ou alors l’envoyer vers d’autres ressources.

 

Vous évoquez des chiffres nationaux concernant les doctorants entrepreneurs : est-ce que des objectifs quantitatifs sont fixés, est-ce que des seuils doivent être atteints à chaque année universitaire ?

TR : Bien sûr ! Nous fonctionnons avec des feuilles de route, que l’on discute avec le ministère et la région Nouvelle-Aquitaine. Ces feuilles de route tiennent compte des bilans des autres années, du potentiel de nos laboratoires, puis des dotations budgétaires. En fonction de ces différents facteurs, il y a donc des objectifs de nombre de projets détectés, de nombre de projets que l’on va accompagner financièrement, de nombre de déclarations d’inventions, de brevets déposés, de licences d’exploitation signées, ou encore d’entreprises créées.

 

Un dernier mot : quel avenir pour l’entreprenariat à l’université de Poitiers ?

TR : De manière très claire, l’innovation et l’entrepreneuriat sont au cœur des axes stratégiques de l’université de Poitiers. Dans nos présentations au niveau du Hcéres* et du ministère (avec lequel nous sommes en phase de dialogue stratégique), nous avons clairement mis en avant ce que nous souhaitons porter en termes d’innovation et d’entrepreneuriat. Sur le volet Innovation et Entrepreneuriat du personnel, nous souhaitons muscler notre pôle Innovation, développer des sessions de rencontres auprès de nos chercheurs pour les sensibiliser sur ces questions, mieux détecter les projets. En ce qui concerne le volet étudiant, l’idée est d’avoir des relais au niveau des composantes, de parvenir à ce que des modules dédiés soient intégrés dans les offres de formation (en parallèle, nous continuerons de proposer des unités d’enseignement libres). Nous allons concentrer nos efforts sur la cible doctorants, et, enfin, nous travaillons à la labellisation de tiers-lieux, sur tous les sites où l’UP est présente (campus de Poitiers, Futuroscope, Châtellerault, Niort, Angoulême). Des tiers-lieux ouverts, qui permettront aux étudiants d’être accompagnés, de se rencontrer, de partager leur expérience et d’être suivi et accompagné avec des ressources humaines compétentes.

Autant d’objectifs majeurs en faveur de l’entreprenariat, que nous allons décliner en actions durant les années à venir. Nous avons une importante marge de progrès, à nous de faire le maximum pour exploiter ce sujet !

 

Merci Thomas Rogaume pour vos réponses.

Thomas Rogaume : Merci.

 

 

 

L’entreprenariat en chiffres

Chaque année, ce sont en moyenne :

20 projets détectés

20 déclarations d’invention

12 brevets / logiciels déposés

4 start-ups créées

 

*Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur)

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